Peut-on se perdre vraiment corps et âme dans une ville déchue, d’une laideur séduisante ? Avec ces pavés porteurs d’histoire, ces recoins sombres où les odeurs des uns se mêlent à celles des autres, ce ciel vêtu de gris, un ciel d’acier, qui recouvre de son manteau froid les hauts et les bas de ces âmes stériles. Quand les déchéances de chacun s’entremêlent dans un délire de sentiments enfouis dans la crasse, la misère, l’hiver, la mort anodine, l’amour déplacé.
C’est ainsi que Jean-Baptiste Del Amo nous livre l’histoire de Gaspard. Un jeune homme qui quitte sa ville natale, Quimper, l’ombre menaçante du père et l’odeur de truie de la mère pour la capitale. Paris, l’ensorceleuse. Une ville que l’auteur, dans son style remarquable, compare à une mère, une amante, une infidèle, une catin. Sous le regard placide de la Seine, Gaspard, qui fuyait un passé, se retrouve avili, assailli par un monde dont il apprendra à deviner les doubles faces. Il s’en servira pour devenir ce que lui-même méprisait. Il atteindra la noblesse des hommes, mais perdra celle du cœur. Sa chute sera aussi douloureuse que l’avait été son ascension.
Dans son exil volontaire, Gaspard rencontrera des hommes qui chasseront, dans tout les sens du terme, sa candeur juvénile, des hommes qui lui dévoileront ses instincts cachés derrière l’attente. Ils ont représenté, en somme, son apprentissage.
Dans ce premier roman, Del Amo aborde, avec talent mais non sans une certaine brusquerie dans ce cas-ci bénéfique, l’homosexualité, la prostitution, la dépravation d’une époque où pourtant la religion et la décence primaient. L’hypocrisie des uns n’a d’égale que l’absence de conscience des autres.
Une éducation libertine est un roman magnifique. Les descriptions sont faites avec une telle minutie que s’imposent à nous une odeur tenace, une émotion intense. On parvient à voir, percevoir, grâce à la plume de l’auteur, Paris dans lequel le parcours initiatique de Gaspar se compare à une descente aux enfers, où la puanteur accompagne la perte d’humanité, où l’on tue, viole, où la vue d’un crâne d’enfant flottant dans le Fleuve indiffère.
On suit à la trace l’évolution de Gaspard à travers les dédales de l’inconnu, évolution ponctuée de retours en arrière, de couleurs qui lui rappellent la souillure de sa ville natale qu’il a voulu fuir, mais qui l’a rattrapé.
Ces quelques pages, lues avec respect, m’ont séduite tant par leur beauté que leur saleté. J’ai consenti moi-même à une forme d’apprentissage que Del Amo nous impose dans une vérité, certes choquante pour certains, et qui me fait douter de notre propre humanité.
Rose Carine Henriquez
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