mardi 14 octobre 2008

Rencontre en soirée : le mardi 7 octobre 2008

18h20, dans les couloirs déserts du cégep. Tout est calme, silencieux, dehors le soleil s’est déjà couché. Peu à peu, les gens se rassemblent devant la porte obstinément close de la salle du Conseil où a lieu la rencontre. Mme Garet se présente et essaye de joindre un gardien pour que le local soit ouvert, mais en vain ! Puisqu’on dit que la fin justifie les moyens, et qu’aucune autre solution ne se présente, elle finit par employer « la force », c’est-à-dire le téléphone rouge destiné uniquement aux urgences (il s’agit en effet d’une urgence littéraire!) et réussit en bout de ligne (au bout de la ligne !) à joindre un garde qui nous ouvre la porte. Quelle impressionnante salle, presque intimidante ! Nous nous installons. Nous sommes huit élèves, un parent et deux professeurs, bref un petit comité. La discussion sera plus intime ce soir, et c’est tant mieux parce que cela nous permettra d’approfondir nos idées et donnera peut-être la chance à certaines d’entre nous d’exprimer ses opinions avec davantage de conviction. Lors de cette rencontre, nous allons tenter de déterminer les points positifs et négatifs de chaque roman afin de nous préparer pour les délibérations en France.

Le chasseur de lions a semblé être très apprécié par la majorité des lectrices présentes. Ce roman a permis des expériences à la fois sensorielles et sensuelles. La qualité de l’écriture est reconnue unanimement, même si certaines ont trouvé le style de Rolin plutôt déstabilisant. Miroir de l’impressionnisme, ce livre incarne la révolution sous toutes ses formes et nous fait découvrir avec brio le peintre Manet.

Le ton humoristique de La Traversée du Mozembique par temps calme nous séduit tout d’abord. Le style particulier de Pluyette, sa façon de jouer avec le lecteur et le monde dans lequel ce dernier est plongé distinguent le roman. Malheureusement, il y a un bris dans la constance de l’humour et l’absurde finit par nous essouffler. Même s’il s’agit d’une lecture agréable, la consommation se fait rapidement, un peu comme un « fast food » qu’on mange sur le pouce. Si on a coutume de dire : « Les paroles s’envolent, les écrits restent », le dicton ne s’applique pas au dernier roman de Pluyette.

Un brillant avenir ne semble pas non plus faire l’unanimité ce soir. Certaines lectrices ont apprécié le cadre socioculturel et historique dans lequel se déroule l’histoire ainsi que la manière dont Catherine Cusset permet aux lecteurs de se mettre dans la peau de tous les personnages, les rendant ainsi humains et presque réels. C’est tout le contraire pour d’autres, qui n’ont pas du tout trouvé les personnages attachants. La tyrannie basée sur la peur, le choc des cultures et surtout des générations, l’histoire universelle de la femme, l’incompréhension et la culpabilité reliée au suicide sont autant de thèmes abordés dans ce roman et ils nous font vibrer. Toutefois, certaines d’entre nous affirment que le récit anecdotique, relatant le quotidien d’une femme est ennuyant, que l’histoire ne fait pas rêver et qu’en somme, l’œuvre manque sérieusement de fantaisie. Les avis sont extrêmement partagés en ce qui concerne ce roman. Il faudra donc se résoudre à trancher lors des prochaines réunions.

Qui touche à mon corps je le tue de Valentine Goby a également été apprécié par la plupart d’entre nous. Le fil invisible entre des personnages qui ne se connaissent pas, mais qui vivent des situations apparentées, de même que l’impact de la relation mère-enfant sont deux thèmes formidablement bien exploités dans cette « tragédie en cinq actes ». La poésie qui se dégage de ce récit nous atteint en plein cœur et nous permet de vivre avec les personnages une palette d’émotions en vingt-quatre heures. Même si certaines d’entre nous ont trouvé le récit trop mélancolique et la psychologie lourde, nous reconnaissons presque toutes le talent incroyable de Goby dont les personnages ressentent une douleur tellement forte qu’elle « leur appartient ». Un roman à découvrir !

On est perplexe devant Le rêve de Machiavel de Christophe Bataille. On sent qu’une grande œuvre se cache derrière sa densité. Certaines ont su en extraire la portée philosophique et l’avertissement fait aux sociétés modernes. Une consommation trop rapide ne rend pas justice à la richesse de ce portrait qui jumelle l’horreur de la peste noire et la brillance de la Renaissance.

On marche sur des œufs avec La Domination de Karine Tuil. Certains d’entre-nous ne l’ont pas lu, et on ne veut pas leur révéler sa conclusion. Un livre à «punch» ? C’est peut-être tout ce qu’on retient du roman de Karine Tuil : une intrigue assez bien ficelée, qui rend la lecture agréable, mais laisse un vide au niveau du contenu. Une chose est sûre, le roman de Karine Tuil s’inscrit dans l’actuel courant de l’autofiction où des romanciers français exposent leur vie amoureuse et leurs déboires sexuels. Faisant abstraction du ton sensationnaliste de Tuil, le groupe apprécie la mise en abyme habilement insérée et le thème de la domination qui motive les personnages dans leurs interactions.

On effleure La Beauté du monde de Michel Le Bris, mais la plupart d’entre nous n’ont pas terminé cette brique. Elle fera l’objet de la rencontre du lendemain avec l’ensemble des participants.

Où on va, papa ? de Jean-Louis Fournier, est également au programme du mercredi, mais on ne peut se retenir d’en parler. On en discute même longuement, puisqu’il semble tous nous enthousiasmer…ou presque !

Voilà; on est revenu sur les huit premiers titres, avec du recul cette fois, ce qui nous a permis de poser un regard critique sur les œuvres. Certains livres nous ont habités, tandis que d’autres, qu’on croyait avoir préférés, ne nous laissent finalement qu’une impression superficielle. En somme, on a apprécié de se rencontrer en dehors des réunions officielles pour discuter plus en profondeur des romans. De plus, la communication est plus facile en petit groupe. Il est 21h30, les ventres crient famine, on regarde ses horaires de bus, de train, on appelle papa ou maman, on prend sa voiture ou son vélo… non pas de cycliste aujourd’hui, l’air est froid et les feuilles mortes glissantes ! On se dit au revoir et à demain pour notre rendez-vous hebdomadaire du mercredi !

Florence Paquin-Mallette et Alexandra Saucan

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