lundi 13 octobre 2008

Où on va, Papa?

Je vous souhaite la bienvenue chez papa; dans son univers quotidien, dans ses réflexions, ses états d’âme et surtout, la bienvenue dans le monde de ses deux fils. La bienvenue ? Pas au premier abord; ses fils sont lourdement handicapés.

Où on va, papa ?, œuvre de Jean-Louis Fournier, se veut provocatrice et libératrice d’une mauvaise conscience collective. Provocatrice, oui, par son thème tabou encore de nos jours : le handicap mental et physique. Mais ce que ce livre a de particulier, c’est qu’il présente le regard qu’un père pose sur ses deux fils invalides. C’est le regard d’un père démuni, convaincu d’avoir raté sa paternité, d’avoir raté sa chance. Dans toute sa maladresse, on ressent le malaise et le regret. Non pas le regret d’avoir des enfants malades, mais celui de ne pas avoir pu faire avec eux tout ce qu’il aurait voulu. De ne pas pouvoir les envoyer dans de grandes universités, de ne pas pouvoir leur lire un Tintin, de ne même pas réussir à savoir s’ils ressentent parfois du bonheur eux aussi. Pour se sortir d’un univers triste et lourd, il y a l’humour noir et cynique du personnage qui surprend et fait sourire malgré tout. Cette ironie douce-amère nous provoque, mais elle résulte du malaise du père face à ses enfants. Mais ne semble-t-il pas consternant qu’on réussisse à s’attacher à ce point à un personnage choquant, cruel, égocentrique et malheureux? C’est ici que l’on comprend à quel point ce livre est humain, car ce père aime véritablement ses enfants et l’amour paternel se reflète d’une manière toute particulière; le texte est rempli de poésie. Un peu partout, de délicates interventions poétiques ponctuent les passages plus difficiles et les rendent magnifiques et touchants. Et on comprend ce père.

Ce roman est tout simple, naturel et épuré dans son traitement. Une chance, car le sujet est si lourd qu’il semble nécessaire de lui donner de l’espace. L’émotion est présente partout; on se choque, on rit, on pleure… C’est le portrait d’une souffrance au quotidien. Mais pourtant, on ne peut qu’aimer, vivre, relire et relire cette œuvre qui ne laisse aucunement indifférent. Aimer ? Mais parfaitement. C’est un livre tout simplement magnifique.

Où il faut aller, papa ? Ici, dans l’univers de Jean-Louis Fournier.

Janie Deschênes

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