Quand je m’apprêtais à lire Jour de Souffrance de Catherine Millet, j’avais presque peur de ne pas comprendre toute la psychologie du «personnage», puisque que je n’avais pas lu La vie sexuelle de Catherine M. Curieusement, même si son dernier livre en est l’explication, je n’ai pas senti le besoin, encore moins l’envie, d’aller mettre le nez dans ce précédent ouvrage. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.
L’auteure commence par résumer un peu sa vie avant son conjoint actuel, ce qui nous évite (heureusement) d’avoir à lire le «tome précédent» de la saga sexuelle de madame Millet. Puis elle nous raconte sa rencontre avec Jacques Henric, et le début de leur relation. En dépit de la grande liberté sexuelle au sein du couple, sans doute chèrement revendiquée, elle se surprend à éprouver une jalousie, d’abord bénigne, puis maladive, envers les écarts de conduite (en sont-ils vraiment ?) de son compagnon. La source de cette jalousie somme toute irrationnelle ? La découverte du journal de Jacques et sa lecture entraînent la révélation de liaisons extraconjugales de sa part. Surviennent alors les obsessions, et Catherine M. devient totalement imperméable à la raison. Dès lors, sa solitude s’exprime par la création de rêves éveillés où elle évolue dans des mondes imaginaires et «fantasmiques» qui donnent lieu à une autosatisfaction de son (apparemment) vaste appétit sexuel.
Le style vaguement discursif et l’évidente suffisance dans les propos m’ont aussi agacée. L’égocentrisme pédant de l’auteure m’a empêchée d’éprouver ne serait-ce qu’un soupçon d’empathie pour cette femme qui sombre dans la folie. L’écriture froide et distante m’a laissée, pardonnez le jeu de mot, de glace. Sans doute volontairement, l’auteure prend une distance face aux événements et à ses réactions, ce qui rend la lecture de son roman difficile, non pas à cause d’un vocabulaire trop riche ou de trop nombreuses référence à ses autres livres, mais bien à cause de l’insondable platitude de l’histoire. Son écriture m’a laissée dans l’indifférence la plus totale et ne m’a pas touchée une seule seconde. L’absence de passion, dans l’histoire de quelqu’un qui attache tant d’importance à la sexualité, n’est aucunement justifiable : les fantasmes et les rêves du « personnage » reflètent la même froideur distante. Des sentiments forts, comme la vulnérabilité, la fragilité, la jalousie, la colère et le chagrin sont tous recouvert du même voile, et exprimés dans la même écriture sèche, aride et impersonnelle. Lors de l’expression de la souffrance, l’écriture est toujours insensible et distante, ce qui m’a semblé étrange dans un texte qui se donne comme l’explication d’un cheminement émotif.
Je me suis sentie flouée durant cette lecture. J’avais l’impression d’être une thérapeute qui écoute durant 264 pages les divagations obsessionnelles d’une patiente, mais sans être payée…
Finalement, Jour de souffrance est pour moi un livre froid et monotone; il me laisse la même impression que si on m’avait obligée à regarder un vieux film tourné en plan fixe, sans action et sans trame sonore.
L’écriture de ce roman (?) a dû être un exutoire thérapeutique pour Catherine Millet. Grand bien lui fasse ! Cependant, pour d’autres qu’elle, la lecture se révèle, soyons francs, pénible et exaspérante.
Anne-Sophie Voyer
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