Les oiseaux auxquels il ne manquait que les ailes…
L’habitude veut que chaque parent trouve ses enfants exceptionnels, spéciaux et qu’il brille de fierté pour eux, mais Jean-Louis Fournier, avec son livre Où on va, papa ?, donne une nouvelle perspective sur le rôle important de parent. Père de deux enfants lourdement handicapés, il nous fait voir avec lucidité la réalité des parents qui ont des enfants qui demandent encore plus d’attention et d’affection que ceux qui sont considérés comme « normaux ».
Mathieu, l’aîné, est né normal en apparence, puis, avec le temps, on a diagnostiqué une lenteur cérébrale qui s’est révélée un handicap mental et physique qui, au lieu de s’améliorer, ne ferait qu’empirer. Sourd, aveugle et voûté, Mathieu établit des contacts avec le monde extérieur quand il lance son ballon hors de sa portée pour que ses parents aillent le lui chercher. Thomas, deux ans plus tard, fait revivre aux parents d’un enfant handicapé l’espoir d’un deuxième en parfaite santé, espoir bien vite éteint puisque, à l’instar de son aîné, Thomas aussi souffrira de ce handicap physique et mental. Comme son frère, il parlera très peu, seulement une phrase quand il reconnaît son père : « Où on va, papa ? ». Le père des deux enfants rejette alors sur lui le blâme pour ce malheur, Thomas et Mathieu étant, selon lui, victimes de son désir d’être marginal. Lui qui s’était toute sa vie efforcé d’être différent, il avait maintenant bien réussi.
Fournier traite de thèmes lourds avec un humour souvent très noir, parfois cynique, mais toujours franc et lucide. Pour lui, ses fils ne sont pas « handicapés », mot qui le rebute particulièrement, mais bien « différents ». Il raconte les regards des gens sur ses enfants « indatables ». Tout au long du roman, de magnifiques analogies traduisent l’amour d’un père pour ses fils d’une manière particulièrement émouvante. Il aurait voulu que ses fils, les « petits oiseaux auxquels il manquait des ailes » aient pu quitter à tire-d’aile un monde qui n’était pas fait pour eux.
Dans ce roman ( ?) sans chapitre, Jean-Louis Fournier nous raconte la simplicité du monde à travers les yeux de ses fils, et les regards déplacés que le monde jette sur eux. Empreint d’une culpabilité sous-jacente, il nous énumère avec déception et regret tout ce qu’il ne fera jamais avec ses fils, toutefois sans aucun apitoiement. La franchise sèche des phrases, la brièveté des paragraphes et des phrases mettent en lumière toute la lourdeur du thème et la sincérité de l’écriture.
Bref, un livre touchant et magnifique, qui porte à réfléchir sur la chance de pouvoir apprécier toutes les choses, même les plus infimes, qui tapissent notre vie de bonheur. Gardez près de vous vos mouchoirs !
Anne-Sophie Voyer
mercredi 8 octobre 2008
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