Paraissant sept ans après la publication de La vie sexuelle de Catherine M., Jour de souffrance serait en quelque sorte le complément de ce premier livre autobiographique de l’auteure. Dans son premier récit, l’auteure présentait son conjoint actuel, Jacques, et racontait leur relation amoureuse alimentée de jalousie. L’ensemble du récit reposait sur les détails intimes de cette relation.
Dans Jour de souffrance, sur un ton similaire, on assiste au quotidien de la narratrice qui nous livre ses moindres pensées, dévoile ses secrets les plus intimes. Peu à peu, on pénètre son esprit pour en venir à découvrir à quel point la jalousie la ronge. En effet, Jacques entretient plusieurs relations avec diverses amantes. On constate, dans un premier temps, que la narratrice découvre « par hasard » les traces de ces aventures relatées dans le journal intime de son conjoint. L’auteur expose alors le déroulement de sa quête d’indices qui a pour seul but de nourrir sa jalousie : elle poursuit ses investigations, recherchant toujours davantage de preuves qui l’amènent à imaginer les pires tromperies et lui causent ainsi les pires souffrances. Paradoxalement, cette même souffrance la fait également fantasmer et sa jalousie devient pour la narratrice une obsession dont elle ne peut plus se libérer. Malgré la souffrance que génère cette quête, tout au long du récit, elle l’entretiendra et nous en présentera les moindres détails.
À travers cette jalousie maladive, la narratrice effectue une analyse poussée de son inconscient et de ses processus mentaux. Cette introspection peut s’avérer parfois très intéressante, mais place également le lecteur en position de voyeur : la narratrice se met complètement à nu, sans aucune pudeur. Le malaise qui nous habite à la lecture ne prend pas tant sa source dans les descriptions détaillées des épisodes de masturbation que dans la découverte de ses tourments les plus profonds. Chez le lecteur, il se manifeste alors une gêne similaire à celle qui survient lorsqu’on pénètre par hasard dans l’intimité d’autrui. L’inconfort du lecteur est d’autant plus grand que la narratrice dévoile également une part de sa folie, ses pertes de contrôle générées par sa jalousie, « crises » qu’elle mentionne dans un chapitre du livre intitulé « Pulsion ». Un tel aveu est désarçonnant.
La voix narrative utilisée contribue elle aussi à révéler la pensée de la narratrice, ce récit autobiographique étant écrit à la première personne. Le roman donne d’ailleurs davantage l’impression d’une réflexion ou d’un ouvrage portant sur la psychologie que d’une histoire, surtout les deux premières parties où l’on croirait parfois lire un essai freudien. Ce n’est que plus tard que l’on en vient à découvrir le véritable fil conducteur de l’histoire. Cette histoire ne semble être qu’un prétexte pour donner libre cours à l’exploration intime des sentis et au partage des réflexions sur la vie de l’auteur.
Quant au style du roman, il paraîtra peut-être un peu cru aux yeux prudes de certains lecteurs, mais ce n’est pas tant ce style que le contenu même du livre qui le rend moins accessible. En effet, un public de jeunes adultes ne sera pas toujours en mesure de prendre suffisamment de recul et ne pourra peut-être pas comprendre le détachement de l’auteure quant à ses expériences antérieures. Ce public ne manifestera peut-être pas le même intérêt quant au contenu et au style qu’un public plus mûr.
Bref, Jour de souffrance est un livre percutant, dans lequel le lecteur pénètrera au cœur des tourments d’une auteure qui n’hésite pas à se dévoiler.
Marianne Deschênes
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