lundi 29 septembre 2008

Qui touche à mon corps je le tue.

Vingt-quatre heures et j’avais terminé le dernier roman de Valentine Goby, Qui touche à mon corps je le tue, son cinquième roman après La note sensible, Sept jours, L’antilope blanche et L’échappée, livres tous parus chez Gallimard. Vingt-quatre heures… la durée exacte de l’histoire absolument bouleversante mise en scène par Goby.

C’est quelque cent trente-cinq pages et un quart qui déversent sur vous un flot intense de questionnements, peines et déchirements. De l’aube à l’aube – la tragédie est découpée en cinq actes – le décor parisien est une façade, car l’incursion du lecteur va bien au-delà du paysage urbain de l’année 1943. Vivant en parallèle les vingt-quatre heures d’une condamnée à mort, trois personnages se relayent dans l’illustration de leur vie maintes fois éprouvée.

Marie G., la dernière femme destinée à la guillotine, vit sa dernière nuit en prison, réfléchissant à son rôle de « faiseuse d’anges», périphrase que l’on utilise pour ne pas dire avorteuse. D’autres anges meurent naturellement : ses sœurs Marie, dont on lui donne le prénom; elle a passé sa vie à longer les murs pour ne pas être remarquée. Jamais elle ne s’est sentie distinguable, elle n’aura été, toute sa vie, qu’une Marie parmi toutes les autres Marie.
Lucie L., porteuse d’un fœtus qu’elle ne désire pas, se fait avorter pour ne pas mener à terme l’embryon qui serait la suite de sa chair, la succession de son sang. Issue d’une famille où le père était absent et la mère possessive, Lucie refuse tout contact humain : Qui touche à mon corps je le tue.
Henri D., bourreau comme ses ancêtres l’étaient, attend l’aube pour exécuter les ordres. Hanté par le fantôme de sa mère, persuadé d’être responsable de sa mort, lui aussi se revoit gamin et pleure son existence. De ses victimes, il est le plus souffrant.

Un narrateur omniscient cède la parole tour à tour à chacun des personnages qui portent tous le fardeau de leur naissance, le deuil de leur enfance. Cette exhibition très intime de la souffrance de chacun m’a ébranlée. Touchant, le lien mère-enfant (la mère et son odeur, la mère et ses caresses, la mère dans toutes ses faiblesses…); poignant, le sentiment de dépossession de soi, la peur de disparaître : Qui touche à mon corps je le tue.

Ce n’est pourtant pas un roman étouffant et perturbant comme il en existe beaucoup. Le thème de la douleur est omniprésent, mais, sous-jacent, c’est la recherche identitaire si chère aux auteurs contemporains qui demeure.

L’écriture de l’auteur garde un rythme très intense tout au long du roman. De très longues phrases énumérant des émotions en rafale, puis, coupure. Seules quelques lignes constituent le paragraphe suivant. Trois mots par phrase qui veulent tout dire. Avec une écriture directe qui ne cache rien, Valentine Goby sait dire les choses telles qu’elles sont, dans leur noirceur et leur lumière.

Anabel Cossette Civitella

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