C’est tout un engagement de lecteur qu’il faut prendre lorsqu’on embarque dans cette Traversée du Mozambique par temps calme ! Avec son quatrième roman, Patrice Pluyette nous fait voyager aux quatre coins de la planète sans jamais passer par ce tant attendu Mozambique. Les codes préétablis sont ici effacés pour laisser place à ceux de l’auteur qui a sa propre définition du roman... C’est un récit philosophique que Pluyette nous propose, sur la trame d’un pastiche de récit d’aventure. Si l’on tombe parfois dans le cliché, ce n’est que pour mieux le défaire, ou plutôt pour l’utiliser dans un revirement de situation qui laissera le plus aguerri des lecteurs pantois. Nous suivons ici l’aventure du capitaine Belalcazar, incertain descendant d’un conquistador, et de son équipage, de prime abord typique, mais en fait profondément original. Leur objectif : Païtiti, ville mythique où tout l’or inca serait rassemblé, véritable obsession pour ce capitaine qui n’en est pas à sa première tentative. Les personnages et les évènements que le groupe rencontrera seront tous plus inusités les uns que les autres. Qu’il s’agisse d’un pirate géant faisant son apparition dans un baril en pleine tempête ou de Sophie, réelle « fille des vues », qui les fera passer du pôle Nord à l’orée de la forêt amazonienne en moins de temps qu’il n’en faut pour prononcer le titre de ce roman, le lecteur peine parfois à s’y retrouver. Toute l’aventure est décrite, et même commentée, par l’auteur dans un style qui lui est très particulier. Maniant l’humour absurde et les rebondissements saugrenus comme nul autre, Patrice Pluyette sait autant nous faire rire que nous faire réfléchir. Qui d’autre aurait pensé à incarner la sagesse dans un personnage appelé Petit Pénis ? C’est pourtant ce à quoi il faut s’attendre lorsqu’on décide de suivre Pluyette dans La Traversée du Mozambique par temps calme.
Nicolas Monette
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2 commentaires:
J'ai lu aussi La Traversée... et quelle traversée ! (Ou quelle traversée ?) C'est déstabilisant, voire parfois irritant (du moins les premières pages), à cause des nombreuses digressions, puis je me suis laissé gagné par elles, par leur désinvolture (les personnes ressuscitent contre toute vraisemblance, ne sont pas vraiment attachés ou attachants), par leur candeur et leur verbe. Bref, j'aurais dû détester ce roman, mais non. Bravo pour l'humour absurde.
Bonne critique, Nicolas !
Simon Fortin
Fort de critiques plutôt élogieuses, je me suis procuré ce roman de Patrice Pluyette « La traversée du Mozambique par temps calme ». Bien mal m’en a pris ! Cette traversée, pour moi du moins, s’est vite muée en grand calme plat dans les plus mornes des sargasses. Pour le dire platement, je ne me souviens pas de m’être emmerdée à ce point durant une lecture. Un salmigondis de péripéties gratuites, faux coups de théâtre téléphonés, descriptions et narrations foireuses entrecoupées de platitudes pseudo-philosophiques. Malgré de louables tentatives de créer l’écriture à géométrie variable que requiert ce genre d’ouvrage, pas un seul instant la magie du verbe n'agit. L’auteur lui-même a dû se barber à rédiger ce balourd pensum, qu’un tapage médiatique voudrait nous faire prendre pour une divertissante parodie du roman d’aventures mais qui nous assène dès les premières pages la juxtaposition de cerises insipides sur un bâton informe. Je l’imagine poussant un « Ouf ! » de soulagement à l'écriture du mot "Fin". « Yes, I could ! ».
Bien sûr, puisque c'est paru chez un « grand », les thuriféraires appointés ne manquent pas de coller à ce magma informe le qualificatif tellement galvaudé, d’ "initiatique". Je les engage à relire London, Melville et Swift pour retrouver, s’ils en sont capables, le sens de ce terme associé au roman d’aventures, réelles ou fantastiques. Pour une fervente de lectures, c’est un crève-cœur de constater dans quel bourbier mercantile patauge aujourd'hui une édition française – pardon, un book-bizness parisien – qui nous a donné Chateaubriand, Hugo, Balzac, Zola, Proust, pour ne citer que de grands anciens…
Mais il y a pire : dès les premières pages, m’a envahie un sentiment de déjà-lu. Et un titre m’est revenu à l’esprit : « Mes Grandvoyages à travers le vaste monde », de Françoise Pirart, paru en 2000 aux éditions Luce Wilquin. J’ai repris l’ouvrage et des similitudes aussi nombreuses qu’étonnantes m’ont sauté aux yeux. Passons sur les anachronismes voulus, un mélange de primitivisme et de modernité, les villes abracadabrantes, les précisions géographiques fantaisistes, les peuplades aux mœurs grotesques pastichant les nôtres, les noms locaux rappelant notre quotidien technologique, le passage sans transition des banquises aux forêts tropicales, des incendies aux inondations, plus tous les moyens de transport imaginables, y compris montgolfière et radeau : ils font partie de la panoplie inhérente à ce genre d’ouvrage, et leur ressemblance peut être l’effet du hasard (quoique, avec une telle accumulation… !)
Par contre, la proximité de certains personnages sidère. Le capitaine Belalcazar de Pluyette évoque l'Onc' de Pirart, la Fontaine de l’un les accompagnatrices de l’autre… Chez les deux, des personnages apparaissent et disparaissent sans raison pour reparaître plus tard de façon tout aussi aléatoire (mais, avec chez Pirart, une cohérence interne du récit qui fait défaut à Pluyette). Surtout, le Jean-Philippe de “La traversée” est une copie conforme du Gâlafron mâtinée du Comte des “Grandvoyages” : changements de taille, tantôt “bon” et tantôt “méchant”, cadavre transporté qui ressuscite de but en blanc, découverte de sa propre voie en fin de périple…
Interpellent également la construction identique, parodique « à l’ancienne », en chapitres avec leurs titres pseudo-descriptifs souvent loufoques, les digressions, les discours pseudo-scientifiques, les ruptures stylistiques, les énumérations… Jusqu’à une énigme avec solution à l'envers, comme dans les revues pour jeunes, que l’on trouve à la page 85 des “Grandvoyages”, à la page 247 de la “Traversée”.
Mais alors que les changements perpétuels de style, chez Pirart, collent parfaitement au côté pataphysicien de son road-movie, avec une unité d’inspiration jouissive, sans que jamais l'idée de "gratuité" ne vienne à l'esprit, tout me semble aléatoire et fabriqué chez Pluyette, comme s'il devait trouver n'importe quoi pour faire avancer le schmilblick jusqu'au terme des trois cents pages fixées, sans la moindre nécessité interne.
Bref, je suis intimement convaincue de ce que « La traversée du Mozambique par temps calme », sans être à proprement parler un plagiat de « Mes Grandvoyages à travers le vaste monde », en est à tout le moins une – mauvaise – resucée. À chacun de se faire une opinion, mais il me paraît impossible de se prononcer sur l’un sans avoir lu aussi l’autre.
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